mercredi 3 novembre 2010

L'ouvres-boites

« Vous n'êtes plus tout seul pour entreprendre. » C'est avec ce slogan qu'Henry Beillet et son acolyte Richard Rico arpentent les rues du Neuhof en quête de potentiels entrepreneurs. Depuis le mois d'avril 2010, les deux compères et leur société, Start Hop, se sont vus confier le label CitéLab par la CUS. Leur mission consiste à dénicher des ambitieux et les aider à mettre en forme les idées qu'ils gambergent souvent seuls, pour faire la différence devant le banquier. 
 
Henry Beillet aide les entrepreneurs dans leurs démarches (B.L.)
Depuis six mois, près de 50 projets sont passés entre leurs mains et cinq entreprises ont déjà vu le jour. Parmi elles, trois sandwicheries ambulantes, un auto-entrepreneur qui propose du soutien en mathématiques aux collégiens, et un site web de revente de téléphones portables d'occasions. Mais Henry Beillet se veut réaliste : « La majorité des projets que l'on rencontre sont individuels. C'est de l'entreprise de subsistance, rien qui ne puisse produire de la croissance pour le quartier. »


La société Start Hop a opté pour la stratégie du contact. Ses responsables n'attendent pas que les porteurs de projets se fassent orienter par la maison de l'emploi. « On va discuter avec les gens, on se rend présent, on fait circuler l'information » avance Henry Beillet. Que ce soit sur le marché central du Neuhof, dans les boutiques des alentours ou même directement dans les agences bancaires, cet ancien formateur en informatique n'hésite pas à aller à la rencontre des passants. « Généralement, je ne découvre pas directement de porteur de projet avec cette technique. Mais très souvent, les gens connaissent quelqu'un, un ami, un cousin, qui veut monter sa boite. Et de fil en aiguille, le bouche-à-oreille opère. »

Mis en place en 2002 par la Caisse des dépôts et consignations, le label CitéLab est présent dans 230 quartiers français, et généralement porté par les maisons de l'emploi. À Strasbourg, les missions de détection d'amorçage de projets ont été confiés à deux entreprises privées. En avril dernier, Start Hop a hérité des quartiers sud, et BPI, son homologue, des quartiers nord. Pour Pardis Amari, la responsable CitéLab de BPI, « l'outil principal de communication reste le dialogue avec les opérateurs partenaires ». Centres socio-culturels, assistantes sociales, associations de quartiers, les acteurs locaux permettent de repérer les porteurs de projets. « Je ne crois pas à la méthode des tracts sur les marchés » admet-elle, à l'inverse d'Henry Beillet.

Pour Bernard Ruck, de la maison de l'emploi de Strasbourg, « il n'y a pas une méthode qui prend le pas sur l'autre ». De son côté, Ivan Schmitt, conseiller au Relais Emploi du Neuhof - une organisation qui favorise l'insertion professionnelle des jeunes - se félicite même de l'initiative : « CitéLab joue le rôle d'une première marche, qui est souvent la plus difficile à passer. Nous leur envoyons régulièrement des personnes pour donner un peu de coffre à leurs projets. » Depuis avril, BPI impulse près de quarante projets quand Start Hop en compte une cinquantaine. Tous les trois mois, le comité de pilotage CitéLab tire des bilans d'étapes. Pour conserver son label, une centaine de projets doit être épaulée chaque année.

Pour certains, la rencontre avec Start Hop constitue l'étincelle qui fait émerger l'idée. C'est le cas de Robert Nicora. À 37 ans, il s'est lancé dans le soutien scolaire à domicile. « Après une longue période de chômage j'avais besoin d'un projet d'envergure, mais j'avais les idées floues. Avec Henry Beillet nous avons mis de l'ordre là-dedans et trouvé un nom pour ma boite : Maths Attitude. » Le rôle de ces dénicheurs de projets s'arrête là. Ils passent ensuite la main à d'autres acteurs, comme l'association pour le droit à l'initiative économique (ADIE), qui se chargeront notamment de mettre sur pieds un plan de financement réaliste.

Pamela Brusser veut ouvrir une pâtisserie
mais elle n'a pas le diplôme requis (H.D.)
Toutes les idées amorcées par Start Hop n'aboutissent pas. C'est parfois l'absence de diplôme qui pose problème. Pamela Brusser, une habitante du Neuhof qui voudrait ouvrir une pâtisserie, en est un exemple. « J'ai les compétences, je vends mes produits dans le quartier et ça marche bien. Mais pour obtenir une autorisation de vitrine au Neuhof, je dois avoir un brevet de pâtissière. » Start Hop lui conseille de contourner l'obstacle en s'associant avec un détenteur du fameux brevet. Mais cette jeune femme sait ce qu'elle veut « Une formation ! Je ne veux rendre de compte à personne. Je veux être ma propre patronne » s'exclame-t-elle. Mais en attendant, elle est contrainte de mettre son projet entre parenthèses.

Hugo Domenach et Basile Lemaire

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